Pourquoi certains tunisiens disent "Dégage la France" ?

Publié le 15 février 2013

Les journalistes en herbe de l’école Parmentier, à Paris, s’interrogent après avoir vu des images de la manifestation du 9 février 2013, à Tunis. Pourquoi certains manifestants brandissaient des panneaux où il était inscrit "Dégage la France" ? Thierry Brésillon, journaliste français installé en Tunisie, leur répond.

Economie, histoire et politique

"Dégage", le slogan des manifestations anti Ben Ali est désormais utilisé à toutes les sauces. Thierry Brésillon distingue trois raisons à la présence de slogan, dans les rue de Tunis, le 9 février 2013.

1) Il s’agit d’une réaction aux propos de Manuel Valls, le Ministre français de l’Intérieur, qui appelait à soutenir les démocrates contre le fascisme islamique. Or cette prise de position intervient dans un débat politique intérieur tunisien, et elle est donc ressentie comme une ingérence de la part de la France.

Quand Angela Merkel, la chancelière allemande, avait pris clairement partie pour Nicolas Sarkozy contre François Hollande lors de la campagne présidentielle, les médias français avaient réagi également pour dénoncer une intrusion dans le débat politique et une atteinte à la souveraineté du peuple français.

Dans le contexte politique très tendu actuellement en Tunisie, la réaction a donc été très vive.

Ces propos revenaient clairement à qualifier une partie de la classe politique tunisienne, en l’occurrence les islamistes, de "fasciste". On peut être en désaccord avec eux, mais ils font partie de la vie politique du pays (ils ont obtenu près de 40 % des voix). Les considérer comme "fascistes" est une prise de position très caricaturale.

D’ailleurs, de nombreux tunisiens, même s’ils ne sont pas islamistes, désapprouvent les propos de Manuel Valls.

Pour accéder au blog de Thierry Brésillon, cliquez sur l’image.

2) La France et la Tunisie ont une histoire passée commune. Cela rend les prises de position du gouvernement français particulièrement sensibles. C’est l’ancienne puissance coloniale d’une part, et d’autre part, une partie des milieux politiques, intellectuels et médiatiques français ont soutenu la dictature de Ben Ali.

Toute parole française sur la Tunisie doit se montrer très respectueuse de la liberté des Tunisiens.

3) Les propos de Manuel Valls ont été utilisés politiquement par le parti islamiste Ennahdha pour prouver l’existence d’un complot entre la France et l’opposition tunisienne pour renverser le gouvernement.

J’ajoute que, comme journaliste français, j’ai couvert cette manifestation sans susciter la moindre hostilité personnelle. Au contraire, tous les gens avec qui j’ai parlé ont eu à cœur de me dire qu’ils étaient fiers d’avoir des liens avec la France, mais que la France devait respecter le choix du peuple tunisien.

Les partenaires de la campagne

  • Institut français de Tunisie
  • APTF
  • Région Ile de France
  • Fondation VEOLIA