« Apporter des sourires et la paix » aux réfugiés syriens du Liban

Publié le 8 février 2016

Basmeh et Zeitooneh est née en 2012. Depuis, l’ONG n’a cessé de grandir. Aujourd’hui, ce sont des milliers de personnes qui bénéficient d’aide. Omar Assaf, le directeur des centres du nord du Liban répond aux questions des globe-reporters du collège Camille Claudel et de l’école élémentaire de la Porte d’Ivry, dans le XIIIe arrondissement de Paris.

Droits humains et solidarité

Pouvez-vous vous présenter et nous dire où nous sommes nous ?

Je suis Omar Assaf. Je suis le directeur de Basmeh et Zeitooneh pour le nord du Liban. Nous sommes dans notre centre communautaire du quartier de Qoubbé, à Tripoli. Nous avons trois centres dans le nord du Liban. Le centre de Qoubbé est situé entre deux zones chaudes. Il y a un conflit entre les deux quartiers voisins à cause de la crise syrienne. De 2011 à 2014, dans ce quartier, il y a eu un conflit entre les partisans du pouvoir syrien et les opposants.

Omar Assaf dans son bureau

Depuis quand ce centre est-il ouvert et quelles sont ses missions ?

Basmeh et Zeitooneh a ouvert ce centre dans le nord en 2015. Nous avons ouvert un premier centre près de Burj al Barajneh, là où il y a le plus de réfugiés syriens au Liban. Il y a là-bas plus de 20.000 réfugiés qui bénéficient de nos services. Nous avons ouvert le centre où nous sommes il y a cinq mois. Ici, nous aidons les habitants de la zone et des réfugiés. Cette zone est une zone de conflit très dure entre deux quartiers. Nous avons aussi un troisième centre dans un endroit où il y a aussi de nombreux réfugiés qui vivent sous des tentes. C’est dans une zone rurale.

Dans le nord du Liban, nous développons 4 programmes. Il y a un programme de distribution d’aides. Nous donnons des paniers de nourriture et beaucoup d’autres choses dont les gens ont besoin.

Nous avons aussi un programme d’éducation à la paix et de soutien psychologique. Nous aidons des femmes et des enfants. Nous allons bientôt commencer avec les hommes. Ces personnes ont des traumatismes liés à la situation ici ou en Syrie et nous les aidons à surmonter ces problèmes.

Le troisième programme est celui de l’atelier de broderie. Nous avons ces ateliers dans tous nos centres du pays. Le premier atelier a été ouvert dans le camp de Chatila, à Beyrouth.

À Chatila, nous avons plus de 150 femmes. Ici, nous recevons une centaine de femmes. Après la formation, elles produiront des broderies qui seront vendues au Liban ou ailleurs. Le principal objectif de cet atelier est d’accueillir des femmes qui ont peu de revenus, de leur permettre de gagner un peu d’argent pour mieux faire vivre leur famille. Elles pourront alors payer les frais de scolarité de leurs enfants. La formation dure un mois. Elles pourront ensuite réaliser des foulards, des petits sacs ou d’autres choses.

Qui sont ces femmes et d’où viennent-elles ?

Ce sont des femmes en situation de vulnérabilité. Ce sont des réfugiées syriennes ou palestiniennes. Il y a aussi des femmes libanaises pauvres ou marginalisées. Nous sélectionnons ces femmes au cours d’un entretien. Nous prenons celles qui ont le plus besoin de notre aide. Pour les femmes qui ont des enfants de moins de 5 ans, nous avons une crèche.

Lors des ateliers, les femmes peuvent échanger leurs soucis et leurs histoires.

Quel est le quatrième axe de travail de votre organisation ?

Nous organisons de temps en temps des activités culturelles. Nous avons un club de cinéma et de théâtre. C’est important d’avoir une ouverture culturelle pour faire face aux problèmes de la vie.

Omar et Lara au travail

Comment financez-vous vos activités ?

Basmeh et Zeitooneh a plusieurs sources de financement. Il y a des dons en ligne. Nous avons des campagnes de financements participatifs (crowfunding). Des ONG internationales nous donnent des fonds. Nous proposons des projets et elles nous aident à développer nos idées.

Dans le nord, notre budget augmente parce que nous avons de plus en plus d’activités. Nous avons commencé avec quelques milliers de dollars et maintenant nous avons plusieurs dizaines de milliers de dollars. Dans les trois centres du nord, 35 personnes travaillent.

Combien de personnes aidez-vous ?

Il y a des gens que nous aidons directement et d’autres indirectement. L’année dernière, nous avons aidé directement 700 personnes et nous pensons pouvoir aider plus de 1.000 personnes cette année.

Au sein des communautés que nous aidons, il y a beaucoup d’enfants. L’année dernière nous avons aidé plus de 3.000 enfants.

Est-ce que les enfants syriens vont à l’école ?

Depuis 3 ans, le système éducatif libanais connaît des difficultés. 50% des enfants réfugiés ne vont pas à l’école parce qu’il n’y a pas de place pour eux. C’est un problème très important, surtout dans les prochaines années, et pas seulement pour le Liban. Ces jeunes vont être encouragés à rejoindre les rangs des extrémistes et commettre des crimes. Ou alors, ils vont être poussés à immigrer illégalement vers l’Europe.

Cette année, le ministère de l’Éducation du Liban a mis en place un plan, mais il y a plus de 600.000 enfants syriens et c’est un problème très complexe.

Est-ce que ces enfants ont des problèmes d’intégration ?

Les enfants souffrent de traumatismes. Ils ont vu beaucoup d’horreurs liées à la guerre. Nous les aidons à les surmonter et à aller à l’école. Ils vivent dans des familles où les parents font face à des problèmes économiques. Les parents ne peuvent pas travailler légalement au Liban. Ils travaillent donc au noir. Ils n’ont pas de droits. Comme beaucoup n’ont pas de permis de séjour, ils ne peuvent pas se déplacer de peur de se faire contrôler par la police ou par l’armée. Ils restent chez eux sans pouvoir travailler.

Les femmes ne peuvent pas s’occuper aussi bien qu’il le faudrait de leurs enfants.

Est-ce que des enfants travaillent ?

Il y a beaucoup d’enfants qui mendient. Beaucoup de jeunes qui ont entre 11 et 18 ans travaillent dans des supermarchés ou dans des champs pour aider leur famille. Ils gagnent un peu d’argent. Travailler à cet âge est contre le droit d’aller à l’école. La bonne place pour un enfant n’est pas dans un marché ou sur un lieu de travail. Ils n’ont pas le droit de vivre leur enfance ou leur jeunesse. Je pense que les mouvements extrémistes vont pouvoir recruter des membres parmi ces jeunes. Pour un peu d’argent, ils accepteront d’intégrer ces groupes.

Est-ce que vous vous sentez débordés et pensez-vous avoir les moyens suffisants ?

Nous faisons de notre mieux. Il y a un an, nous étions 3 personnes à travailler dans le nord. Nous sommes maintenant 35. Le travail n’est pas facile. Nous devons former les membres de l’équipe. Nous n’avons pas assez d’expérience pour affronter une telle crise. Nous tentons de faire face quand même.

Ces gens font face à de nombreux problèmes et nous ne pouvons pas résoudre tous ces problèmes. Nous avons une marge de manœuvre, mais nous ne pouvons pas tout résoudre. Le problème principal est un problème de la formation des travailleurs des ONG.

À Tripoli, il y a d’autres ONG qui travaillent, mais 10% seulement sont efficaces. 90% sont des ONG locales qui n’ont pas de formation pour affronter une telle crise.

Il y a aussi des ONG internationales, mais dans le quartier où nous travaillons, ces ONG ne travaillent pas pour des raisons de sécurité. Nous, nous pouvons travailler ici, mais pas les autres ONG.

L’envoyé spécial des globe-reporters avec Omar et Lara

Comment réagissent les Libanais ?

Il y a deux points de vue. Il y a ceux qui rejettent les réfugiés. Ils disent qu’ils prennent leur travail, qu’ils reçoivent l’aide des ONGsalors que les Libanais pauvres n’ont aucune aide. Les autres ont une approche humanitaire. Ils aident les réfugiés. Nous, Basmeh and Zeitooneh, nous sommes une ONG libanaise, nous aidons les gens qui ont besoin de notre aide. Nous ne faisons pas différence entre les nationalités ou les religions. Et nos centres se trouvent là où les gens ont besoin de nous.

Sans notre présence, les gens souffriraient beaucoup plus. La situation serait encore pire. Je veux alerter tout le monde, au Liban et ailleurs. Il faut que tous nous agissions pour éviter l’extrémisme.

Un dernier mot ?

Depuis 5 ans, le Moyen-Orient est en crise, avec de nombreuses guerres. Les conséquences sociales et économiques sont nombreuses et risquent de poser encore plus de problèmes dans le futur. Tout le monde doit être conscient qu’il faut aider tous ces gens.

Sources vidéo

Depuis le balcon de Basmeh and zeitooneh, Omar explique que l’ONG est située sur la ligne de front. A droite, les partisans du régime syrien. A gauche, les opposants. Plus de 23 batailles ont eu lieu avec beaucoup de morts, blessés et famille déplacées.